Aliénor Goudet – Publié le 13/01/21
Vénérable Anne de Guigné (1911-1922) fait partie de ces petits saints qui prouvent qu’il n’y a pas d’âge pour trouver son chemin du ciel. Née avec un tempérament coléreux, jaloux et dominateur, Anne va pourtant acquérir la maîtrise totale de soi à la mort de son père et semer la joie autour d’elle.
Annecy-le-Vieux, juillet 1915. Que la journée s’annonce belle au château de la Cour. Bien trop belle pour rester à l’intérieur. Après le déjeuner, Anne, 4 ans, s’amuse avec les fleurs du jardin, très fière de ses couronnes. Elle en a fait pour toute la famille. C’est sûr, papa sera fier d’elle lorsqu’il reviendra. C’est alors qu’elle aperçoit de loin Mélanie, la cuisinière du château, qui se repose quelques instants sur un banc de pierre.
Cette découverte contrarie la petite demoiselle qui était jusque-là bien contente d’avoir le jardin pour elle. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’Anne lui a dit de ne pas s’asseoir là. Après tout, Mélanie a la cuisine pour elle. Donc le jardin est à Anne, même s’il est assez grand pour cent personnes. Pas plus tard qu’hier, elle le lui a rappelé. Une bouffée de frustration monte à la tête de la fillette coléreuse qui s’empresse de lâcher ses fleurs et de se hâter vers la maison. Si Mélanie ne veut pas l’écouter, alors c’est maman qui lui interdira de venir dans le jardin.
Après une longue recherche, Anne trouve enfin sa maman, dans son petit cabinet privé. Mais elle se fige lorsqu’elle pousse la porte et trouve Madame de Guigné en larmes. Toute la frustration disparaît. C’est si perturbant de voir une grande personne pleurer. Anne s’approche de sa maman qu’elle n’a jamais vu ainsi. Madame de Guigné prend dans ses bras l’espiègle fillette si silencieuse pour une fois. Elle sèche ses larmes et lui explique que Monsieur de Guigné est retourné au ciel et ne reviendra plus.
– Anne, si tu veux me consoler, ajoute-t-elle, il faut être bonne.
Madame de Guigné n’imagine pas l’impact que ses mots vont avoir sur son aîné. Dès le lendemain, Anne se lève, songeant qu’elle doit être bonne. Lorsqu’elle voit Mélanie de nouveau dans le jardin, elle sent la frustration monter à la tête. Mais elle prend une grande inspiration et retourne à ses jeux. Car il est bon de partager. Tout ce qui hier contrariait la petite demoiselle, est aujourd’hui terre de combat. À chaque fois que monte en elle la jalousie ou la colère, Anne devient toute rouge, mais sert les poings. S’interdisant la moindre parole, elle attend que les pensées amères la quittent. Car il est bon d’être aimable et de pardonner.
C’est le même rituel lorsqu’elle se blesse. Anne met toute sa volonté pour ne pas se plaindre et ne pas broncher. Elle l’offre à “son petit Jésus”, son allié parfait, qui l’aide dans sa résolution. Car Anne a découvert un secret important : c’est en étant bon que l’on se rapproche de Lui. Du haut de ses 4 ans, Anne redouble d’effort jusqu’à ce que les crises disparaissent complètement. Son entourage est stupéfait par ce changement radical. Sa mère, son institutrice, le curé… Ils n’en reviennent pas de la grâce aveuglante qu’a reçue la petite demoiselle auparavant si difficile.
C’est si flagrant que l’on demande à Monseigneur Chapon la permission de lui donner sa première communion le plus tôt possible. Intrigué, l’évêque de Nice demande à interroger l’enfant. À la suite de cet entretien, il dit à Madame de Guigné :
– Madame, je souhaite que nous soyons toujours au niveau d’instruction religieuse de cette enfant là.
Anne fait donc sa première communion le 26 mars 1917 à l’âge de 6 ans. Sur un billet qu’elle dépose sur l’autel durant la cérémonie, elle écrit “Mon petit Jésus, je vous aime et pour vous plaire je prends la résolution d’obéir toujours.”
La bonté de la petite demoiselle se fait de plus en plus évidente après cette grande joie. Elle est aimable, généreuse et clémente avec tous. Le sacrifice quotidien est son chemin de choix. Toute souffrance et toute joie sont offertes à Jésus qui lui murmure qu’il l’aime bien à l’oreille lors de la prière.
Un jour, elle confie à sa maman combien elle aimerait voir Jésus, car le ciel est le but ultime des hommes. Selon la catéchiste d’Anne, mère Saint-Raymond, la petite sainte savait intuitivement que Dieu la voulait près de Lui. En effet, le combat d’Anne touche déjà à sa fin. En décembre 1921, elle est subitement prise de maux de tête et de nausées. Les courbatures et la fatigue la cloue au lit. C’est une méningite. Mais alors que son petit corps souffre le martyre, son âme continue de grandir. Anne demande la guérison d’autrui et que soit faite la volonté de Dieu. À l’aube du 14 janvier 1922 à Cannes, Anne se tourne vers la religieuse qui la veille.
– Ma sœur, puis-je aller avec les anges ? – Oui, ma belle petite fille. – Merci, ma sœur, Ô merci !
Anne de Guigné est déclarée vénérable par le saint pape Jean Paul II le 3 mars 1990. De nombreux témoignages de l’entourage d’Anne ont pu rapporter la grandeur d’âme de cette petite demoiselle si dédiée à devenir bonne et consoler sa maman.