Comment faire d’un instrument séculaire une machine de haute technologie qui démultiplie les possibilités offertes aux musiciens et aux compositeurs ?
Au service de la recherche et de la création musicale, les tuyaux chantants de la collégiale de Guérande en France et ceux du Palais Montcalm à Québec ont été « midifiés ». C’est-à-dire que chaque commande électrique a la possibilité d’être actionnée électroniquement, faisant ainsi de l’orgue un instrument augmenté, capable de prouesses techniques jusque-là insoupçonnées.
Depuis plusieurs années, des deux côtés de l’atlantique, des passionnés se sont donnés pour mission de contribuer au développement de l’orgue et de son répertoire. Cet instrument, dans son principe même, posait déjà les bases de la lutherie expérimentale en introduisant dans la facture instrumentale le principe de la synthèse additive, celle qui fut ensuite utilisée pour les instruments électroniques. Aujourd’hui, ce sont les nouvelles technologies qui viennent à lui, dans un jeu d’aller-retour et d’ingéniosité incessant.
La rencontre de Christophe Havard, créateur sonore associé à Athénor et de Jocelyn Robert, fondateur d’Avatar (centre d’artistes en art audio et électronique), a permis de réunir ces deux institutions autour de ce souci de jouer de l’orgue autrement. Pour explorer plus avant les infinies possibilités de cet instrument et aller au-devant de nouvelles créations sonores pour orgue à tuyau, l’utilisation de la programmation et de dispositifs électroniques est essentielle.
Ainsi, depuis deux ans, Athénor – CNCM et Avatar au Québec travaillent ensemble à un projet de recherche et de création pour mutualiser idées et techniques. Grace à cette collaboration, des ingénieurs d’ici et de là-bas mettent en commun leur science et leur ingéniosité pour créer des ponts technologiques entre la France et le Québec, permettant ainsi aux créateurs Français ou Québécois de divers horizons de laisser libre cours à leurs créativités et de mettre en œuvre leurs idées les plus folles.
La Constellation Guérande — Christophe Havard et Jocelyn Robert
La proposition tient compte de certaines des particularités de l’église elle-même: située au coeur d’une ville fortifiée, ses contours, composés de ruelles piétonnières, d’immeubles datant de l’époque médiévale et de places pavées, offrent déjà une grande diversité d’espaces acoustiques, qui, certains jours de la semaine, accueillent une abondante vie publique et marchande. À travers les minces vitraux du côté Est, on peut aisément distinguer le son de l’orgue, y compris lorsqu’il est joué dans les plus délicats registres. À l’opposé, lorsque les grandes portes sont ouvertes, les registres les plus puissant sont perçus à travers toute la place, jusqu’à une trentaine de mètres.
Notre création tiendra compte de l’acoustique et de la porosité des espaces ainsi que des sons de la ville sans arrêt modifiés en rapport avec les heures de la journée.
Suivant le point d’écoute et de la temporalité de la partition, la musique jouée sur l’orgue se distinguera du paysage sonore ou bien se laissera seulement deviner.
Pour apprécier l’interaction entre l’instrument, l’architecture et les sons urbains, le public sera invité à vivre l’expérience à travers des déambulations finement planifiées et chronométrées depuis l’extérieur, vers l’intérieur, soit proche de l’orgue à tuyaux, soit éloigné de l’édifice. Ce parcours d’écoute sera proposé à différents moments du samedi 30 avril et pourra par exemple interagir avec les sons du marché ou bien bénéficier de l’atmosphère calme du soir : 6h30, 11h30, 13h30, 17h30 et 22h30.
L’orgue à lumière* — Projet initié avec Nataliya Petkova
Le projet consiste à traduire les soubresauts de la lumière qui passe entre les feuilles d’un arbre et à en faire le principal mouvement d’une pièce sonore pour orgue à tuyaux. Quelques dizaines de cellules photoélectriques seront disposées à l’ombre d’un arbre et la lumière qui réussira à traverser les feuilles fera jouer l’instrument. Le projet est en phase expérimentale à trois niveaux : au niveau de la sensibilité des cellules photo-électriques, au niveau de la transmission sans fil des données entre le système de capture et l’orgue même, et au niveau du type de code à écrire pour que le système visuel soit traduit sur le support sonore.
* Le samedi 14 mai à 17h « L’orgue à lumière », est une pièce interactive entre l’orgue de la collégiale et une disposition technologique de captation de la lumière à travers l’arbre qui se situe sur la place derrière la collégiale. La lumière, les ombres, le vent, fera interagir des capteurs qui retranscriront en musique sur l’orgue.